🔦 Coup de projecteur sur la théorie de la "cognition incarnée" en sciences cognitives. Une théorie qui remet en question les fondamentaux de ce qu'est la perception.
Selon l'approche de la "cognition incarnée", la perception n'est ni une reconstitution d’un monde extérieur à nous, ni la projection de notre propre monde intérieur – les deux conceptions habituellement admises dans les sciences cognitives –, la cognition (ensemble des processus mentaux relatifs à la connaissance) dépend plutôt de notre activité dans notre environnement, de nos expériences sensorielles et motrices passées ainsi que des besoins et des buts poursuivis.
Notre manière de percevoir le monde dépend de notre action sur le monde.
Nous pouvons vérifier comment notre mouvement influence notre perception du monde lorsque par exemple, nous nous approchons ou que nous nous éloignons des objets et des personnes de notre environnement. Nous n'avons alors pas accès aux mêmes détails sensoriels visuels, olfactifs, auditifs notamment.
Rémy Versace, professeur à l'Université Lumière-Lyon 2, co-auteur du livre Cognition incarnée: Une cognition située et projetée, rappelle comment la motricité joue un rôle crucial notamment dans les mécanismes de mémorisation.
Les objets et les personnes avec lesquels nous interagissons sollicitent en effet nos sens de façon multisensorielle. Et, pour constituer un souvenir, nos sens doivent alors pouvoir être unis les uns aux autres. La motricité contribue de façon cruciale à ce rôle d'unification. Elle est essentielle à l'intégration multisensorielle.
Les études dans le champ de la cognition incarnée mettent aussi en lumière que :
➡ Nous raisonnons différemment lorsque le corps est fatigué ou reposé
➡ La posture du corps peut influencer la valence émotionnelle d'un souvenir
➡ Dans le domaine sportif, la perception d’une situation est influencée par l’effort passé et par l’historique des succès et des échecs
➡ Les mouvements et la position du corps influencent nos mécanismes de mémorisation et d'apprentissage
se souvenir, c’est faire une sorte de voyage dans le temps et l’espace, percevoir c’est s’imaginer ou simuler le monde tel qu’on imagine qu’il doit être ou qu’il sera. Les émotions elles-mêmes ne sont bien souvent que le résultat de simulations et d’anticipations des conséquences réelles ou potentielles de nos interactions avec l’environnement. [1]
👀 Les résultats des études issues de la "cognition incarnée" ont des implications importantes pour notre développement, nos apprentissages, nos pratiques, parmi lesquelles:
➡ Accompagner par le mouvement une notion, un concept facilite l'apprentissage et les capacités mémorielles (par ex. en raccrochant des notions à des expériences sensorielles, à des gestes, ou à des représentations dans l'espace)
➡ Grandir et vieillir nécessitent de maintenir autant que possible une motricité importante dans un environnement riche sensoriellement (une réduction de la motricité et un environnement peu stimulant diminuent les indices dont dispose le corps pour créer et réactiver les traces en mémoire).
Pouvoir interagir avec un environnement stimulant est aussi indispensable à l’enfant pour son développement, qu’à la personne âgée pour ralentir son déclin cognitif. [1]
Cela permet aussi de comprendre l'effet bénéfique de la marche sur nos capacités cognitives.
[1] Entrevue de Rémy Versace par Sébastien Bohler dans Cerveau & Psycho: « Notre corps détermine notre rapport au monde »
Autres références sur la cognition incarnée:
Versace, R., Brouillet, D., Vallet, G. (2018). Cognition incarnée: Une cognition située et projetée. Mardaga.
Varela, F. J., Thomson, E., & Rosch, E. (1993). L'inscription corporelle de l'esprit : sciences cognitives et expérience humaine (Ser. La couleur des idées). Editions du Seuil.
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