Une caractéristique fascinante du système nerveux est sa propension au rythme.
L’activité des cellules nerveuses génèrent en effet des rythmes oscillatoires soutenus ou brefs qui varient en fonction de notre état mental, de nos émotions et de nos comportements, qu’il nous est possible d’observer grâce à l’imagerie cérébrale.
Électroencéphalographie (EEG), magnétoencéphalographie (MEG), imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) font partie des outils qui nous donnent accès aux dessous de notre vie psychique.
Du neurone, unité fonctionnelle du système nerveux, aux réseaux imbriqués de cellules, les mécanismes physiologiques à l’origine de la genèse des rythmes cérébraux sont complexes et chacune des technologies d’imagerie captent une caractéristique particulière de cette activité.
À l’échelle du neurone, la notion de rythme évoque par exemple la cadence avec laquelle il reçoit ou envoie aux autres cellules ses messages codés appelés potentiels d’action. Ce sont de brèves séquences de forme fixe durant lesquelles le potentiel électrique de la cellule connait une forte augmentation suivie d’une baisse rapide.
Cette activité bien que très stéréotypée peut être répétée selon des rythmes très différents : des bouffées isolées (plusieurs potentiels d’action sur une très courte période), des bouffées répétées, un rythme régulier lent, un rythme régulier très rapide, etc. Ces rythmes dépendent des caractéristiques physiologiques des cellules concernées.
Contrairement au potentiel d’action, message sortant du neurone, dont la durée est de l’ordre de quelques millisecondes, le potentiel dit post-synaptique est un message qui arrive au neurone au niveau de ses dendrites et dont la durée varie de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de millisecondes.
[voir aussi le post: Le fonctionnement du système nerveux ]
C’est ce signal post-synaptique, considéré en une région donnée du cerveau et impliquant des milliers de neurones, qu’enregistrent localement l’EEG et la MEG. L’EEG captant directement l’activité électrique des cellules, la MEG, les champs magnétiques générés par cette activité électrique.
Le rythme ainsi capté par l’EEG et la MEG correspondrait à une synchronisation de cellules déchargeant en même temps des potentiels d’action vers un groupe de cellules réceptrices. Ces cellules qui envoient et qui reçoivent, souvent en s’influençant réciproquement, constituent un réseau. Le nombre de synchronisations établies par seconde détermine son rythme oscillatoire.
Entre 8 et 12 synchronisations par seconde, on parle de rythme alpha, au-delà de 35 synchronisations par seconde, de rythme gamma. En dessous de 5 synchronisations, on parle de rythme delta, entre 5 à 7, on parle de rythme thêta, et entre 13 et 35, de rythme bêta.
À l’inverse de l’EEG et de la MEG qui sont des mesures reflétant directement les variations liées à l’activité électrique des neurones, le signal cérébral enregistré par l’IRMf en est une mesure indirecte. Ce signal dit hémodynamique reflète les fluctuations du débit sanguin cérébral occasionnées par l’augmentation de la consommation en oxygène du sang des neurones impliqués dans une tâche cognitive.
Ses variations sont beaucoup plus lentes que le rythme réel de décharge des neurones. Toutefois, le grand avantage de l’IRMf réside dans la très grande précision avec laquelle il lui est possible de localiser au niveau anatomique les neurones engagés dans l’action en cours.
Observer l’invisible: les dessous de la vie psychique.
L’observation de ces rythmes cérébraux peut être exploitée en intervention clinique, en recherche et en art.
En clinique, elle est utilisée par exemple pour le neurofeedback. La technique de neurofeedback vise à permettre à une personne de réguler par elle-même son activité cérébrale par la visualisation en temps réel de cette activité. Le neurofeedback est employé dans le traitement de troubles de l’attention, pour des symptômes de dépression ou encore de stress. Il est aussi utilisé dans un contexte sportif à des fins d'amélioration de la performance.
En recherche, l’observation des rythmes cérébraux est très répandue en neurosciences cognitives. Cette méthode d’investigation permet en particulier de comprendre comment une tâche mentale ou comportementale est reflétée par l’activité cérébrale. Dans le champ spécifique de la neuroesthétique, l’observation de cette activité neuronale permet de mieux saisir les mécanismes qui sous-tendent la perception esthétique de l’art (voir par ex. Umilta et al., 2012 [1]).
En art, l'artiste Lisa Park, originaire de Corée du Sud, exploite par exemple les représentations de ses ondes cérébrales enregistrées par un dispositif EEG dans ses créations.
J'ai utilisé mon corps comme un moyen d'exprimer extérieurement mes états intérieurs et mes pensées. Au début, j'ai commencé à utiliser des biocapteurs pour visualiser des signaux biologiques invisibles afin d'apprendre à me connaître. L'utilisation des capteurs de biofeedback m'a permis de comprendre que je dois accepter les changements de mes sentiments plutôt que de les contrôler. [2]
Référence:
[1] Alessandra Umilta M, Berchio C, Sestito M, Gallese V, and Freedberg D. 2012. “Abstract Art and Cortical Motor Activation: An Eeg Study.” Frontiers in Human Neuroscience November 2012 (November 2012). https://doi.org/10.3389/fnhum.2012.00311.
Note:
[2] Traduction citation issue du Site de Lisa Park: Eunoia II
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